L'Ostéo-Odonto-Kératoprothèse (OOKP) : Quand une dent redonne la vue
Pour les personnes atteintes de cécité cornéenne au stade terminal, lorsque la surface de l’œil est si endommagée que toute greffe de cornée est vouée à l’échec, une procédure extraordinaire offre une lueur d’espoir : l’ostéo-odonto-kératoprostèse, ou OOKP. Souvent surnommée la chirurgie de « la dent dans l’œil », cette technique bien établie peut restaurer une vision fonctionnelle chez des patients qui avaient perdu tout espoir de revoir un jour.
Une Idée Visionnaire : Le Principe de la Bio-intégration 💡
Pendant des décennies, les tentatives de prothèses de cornée se sont heurtées au rejet par le corps humain. Le coup de génie du chirurgien italien Benedetto Strampelli, dans les années 1960, fut d’utiliser une partie du propre corps du patient : une dent (souvent une canine) avec son os de soutien. Ce support vivant, reconnu et nourri par l’organisme, permet de fixer une lentille optique de manière stable et durable, déjouant ainsi le rejet. Cette technique éprouvée, aujourd’hui améliorée, est la preuve de sa robustesse conceptuelle.
L'OOKP : Une Intervention de Dernier Recours
Qui est un bon candidat ?
- Cécité légale des deux yeux due à une destruction de la surface oculaire (brûlures graves, maladies auto-immunes).
- Condition essentielle : une rétine et un nerf optique parfaitement fonctionnels.
- Bonne santé générale et présence d'au moins une dent saine (canine de préférence).
Qui n’est pas éligible ?
- Aucune perception de la lumière (nerf optique/rétine non fonctionnels).
- Glaucome avancé non contrôlé ou décollement de rétine irréparable.
- Incapacité à s'engager dans un suivi médical rigoureux et à vie.
Un Parcours Chirurgical Complexe
L’OOKP est une prouesse qui se déroule en deux grandes étapes, espacées de plusieurs mois, et qui requiert une collaboration entre ophtalmologiste et chirurgien maxillo-facial. En France, le Professeur Vincent Daien vient de réaliser cette intervention chez un jeune patient.
Le chirurgien prélève une dent et son support osseux pour y insérer un cylindre optique en plexiglas. L’ensemble est ensuite placé sous la peau (dans la joue par exemple) pendant 2 à 4 mois. Cette étape cruciale permet au corps de vasculariser le greffon, le transformant en un implant vivant prêt à être transféré dans l’œil.
Quelques mois plus tard, la prothèse vascularisée est récupérée. Le chirurgien prépare l’œil en créant une ouverture au centre de la cornée opaque et y insère la prothèse. La surface de l’œil est recouverte par une muqueuse prélevée dans la joue, et seule la lentille optique dépasse. C’est par cette nouvelle « fenêtre » que la lumière peut enfin atteindre la rétine.
Une Nouvelle Fenêtre sur le Monde
La qualité de vision restaurée peut être spectaculaire, permettant de lire, de reconnaître des visages et de se déplacer en autonomie. Cependant, il est fondamental de comprendre que la vision n’est pas « normale ». Le patient voit à travers un petit cylindre, ce qui entraîne une vision tubulaire, comparable à celle que l’on a à travers un trou de serrure. La vision centrale est excellente, mais la vision périphérique est très limitée, ce qui demande un apprentissage pour « scanner » le monde en tournant la tête. L’aspect esthétique de l’œil est également modifié, un point important à accepter.
Risques et Suivi
Le succès de l’OOKP dépend d’un engagement indéfectible du patient à un suivi à vie pour dépister et traiter les complications.
Le Glaucome : L'Ennemi Silencieux
C'est la complication la plus redoutable à long terme, touchant un nombre significatif de patients. Sa surveillance est complexe car les instruments de mesure de la pression oculaire classiques sont inefficaces. Le suivi repose sur des techniques d'imagerie (échographie) et la palpation du globe oculaire.
D’autres risques incluent le décollement de rétine, des complications liées à la prothèse elle-même ou à la muqueuse de surface, et plus rarement, des infections graves.
Laissez un commentaire